Les multiples chemins de l’anti-science

« Le principal fléau de l’humanité n’est pas l’ignorance mais le refus de savoir ». Simone de Beauvoir

Dans certains articles de ce blog consacrés aux biotechnologies, j’avais rapidement évoqué la position anti-science évidente de certains opposants aux OGM, notamment les plus radicaux. Je reviens plus largement ici sur l’hostilité à la connaissance scientifique, car elle est le fait de courants très divers, plus influents et plus actifs qu’on ne pourrait le croire.

Les nostalgiques du paradis perdu

Pour commencer, revenons sur les liens entre anti-biotechnologies et anti-science. La trajectoire d’un personnage comme René Riesel en est une bonne illustration. Éleveur de moutons à partir de 1982, il est secrétaire national de la Confédération Paysanne de 1995 à 1999. Cette année-là, il participe au saccage de recherches sur un riz transgénique au CIRAD (Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement – Organisme public) à Montpellier, dont il a été l’un des instigateurs et organisateurs avec José Bové. C’est l’un des tout premiers actes d’arrachage d’OGM, et le fait qu’il vise un établissement public montre bien que c’est la recherche en elle-même qui est visée. On pouvait d’ailleurs voir sur les lieux de saccage, une affiche clamant : « Démasquons les chercheursVidons les laboratoires ». Quelques années plus tard a été lancé le mouvement des « faucheurs volontaires », qui a fait des émules dans toute l’Europe où les arrachages d’expérimentations publiques sont devenus monnaie courante (on en comptait environ 80 en 2013, plus de 200 en 2017). Ce qui est paradoxal, mais aussi très révélateur, c’est que la plupart de ces recherches publiques saccagées étaient destinées à évaluer la sécurité des plantes transgéniques. Pour plus d’informations, on peut consulter le livre récent de Gil Rivière-Wekstein : Faucheurs de science, éd. Le Publieur, 2012

Dans un opuscule édité en 2001 et intitulé : « Aveux complets des véritables mobiles du crime commis au CIRAD le 5 Juin 1999 », R. Riesel publie sa profession de foi, telle qu’il l’a exprimée devant le tribunal de Montpellier, en insistant sur le fait que ses véritables mobiles ne se limitent pas au refus de l’industrialisation. «… on aura compris que c’est bien à l’ensemble des prémisses de la recherche moderne, privée comme publique,(….) que j’ai l’impudence de m’opposer » (p. 27). Plus loin dans ce texte (p.28), il insiste encore sur le fait que, pour lui, il n’y a aucune différence entre la recherche publique et privée, une affirmation que José Bové, dans ce procès, reprend à son compte, si l’on en croit le résumé des audiences publié dans le même fascicule (p.52).

Dans la même ligne, on trouve aussi le Groupe Oblomoff qui s’est constitué suite aux États Généraux de la Recherche tenus à Grenoble en 2004, perturbé par des opposants. Depuis, ce groupe s’est illustré en empêchant plusieurs rencontres sur les biotechnologies et les nanotechnologies et il s’en explique dans un petit livre intitulé :« un futur sans avenir- Pourquoi il ne faut pas sauver la recherche scientifique » . Opuscule écrit, comme son titre l’indique, en opposition à l’association Sauvons la Recherche. Pour les auteurs de cet opuscule, « dire ‘Sauvons la recherche’ est purement et simplement indécent au regard de son rôle dans la société actuelle (p. 75) ».

On retrouve, dans ce texte, tous les clichés les plus catastrophistes des adeptes de « l’écologie profonde » et une confusion permanente entre la recherche scientifique et les dégâts écologiques et sociaux, provoqués par une industrialisation et un capitalisme sauvages.

Cette confusion est telle qu’ils en arrivent à écrire que ce sont les scientifiques qui manipulent les pouvoirs financiers et politiques car « les intérêts immédiats de ces pouvoirs servent parfaitement le grand projet des sciences modernes : l’artificialisation du monde » ! (p. 117). Une version pour le moins délirante de la théorie du complot !

Derrière ces courants d’idées, on sent se profiler le mythe biblique du paradis perdu, que ces gens-là prolongent jusqu’au démarrage de l’industrialisation. Un paradis qui n’a jamais existé que dans leur imaginaire, où l’espérance de vie à la naissance n’était encore que de 30 ans en 1800 (alors qu’elle est maintenant, dans les pays industrialisés, autour de 80 ans, dont 60 à 65 en bonne santé), et où la moitié d’une population pouvait être emportée par une épidémie de peste ou de choléra ( Marseille 1720 ), quand ce n’était pas une famine.

La biologie au feu et Darwin au milieu !

Dans les écrits de ces courants anti-recherche, les sciences biologiques sont particulièrement bien servies. Je ne résiste pas au plaisir de citer des passages particulièrement savoureux de l’opuscule du collectif Oblomoff.

Cette phrase par exemple :« Même quand on constate sa faillite, le réductionnisme de la théorie génétique, n’est pas remis en cause : on ne cherche à l’amender qu’à la marge… (p.37)». Pour quelqu’un qui, comme moi, a suivi de très près la progression des connaissances en génétique depuis 1960, entendre parler de faillite laisse vraiment pantois ! Quant au réductionnisme, il est bien réel, mais surtout le fait de chercheurs en biologie moléculaire, pas des vrais généticiens et encore moins de la « théorie génétique ».

Ou encore celle-ci, d’un comique irrésistible : « … en dépit de ses prétentions délirantes à affranchir l’humanité de la Nature, la science moderne n’a pas encore été capable de fabriquer un être apparemment aussi simple qu’un ver de terre (p.37) ». Fabriquer un ver de terre !! Même si cette phrase est un trait d’humour (ce que j’espère pour son auteur), invoquer la « simplicité » d’un vers de terre révèle tout de même une extraordinaire ignorance de la biologie.

Et enfin, pour clore les citations de ce groupe, l’inévitable attaque contre le darwinisme qui ne serait, selon eux, qu’une idéologie et non une démarche scientifique. C’est exactement ce que disent aussi les fondamentalistes religieux de tous bords à l’appui du créationnisme. De plus, ce même darwinisme serait à l’origine de l’eugénisme et du racisme : « théorisés scientifiquement sous l’impulsion du darwinisme (p.41) ». A l’appui de cette affirmation est cité un livre d’un soi-disant historien des sciences, viscéralement hostile à Darwin (comme à la génétique d’ailleurs), dont on peut se demander s’il a réellement lu ses ouvrages (pour un résumé succinct sur Darwin et sa théorie, on peut se reporter à l’article de ce blog sur ce sujet).

On retrouve le même anti-darwinisme virulent sur le site de Pièces et main d’œuvre ( PMO ), organisation également opposée à la recherche scientifique, dans un texte de Bertrand Louart : « L’Imposture historique de la technoscience », écrit en soutien à René Riesel en 2001. On apprend ainsi que la « théorie de l’évolution des espèces de Darwin fut à l’origine de l’une des plus grandes impostures scientistes » et a abouti, au fil du temps, à la politique d’extermination nazie. Une absurdité répandue par le même « historien des sciences » anti-darwinien et que l’on retrouve, curieusement, dans de nombreux textes créationnistes comme ceux de l’organisation turque BAV ( voir le livre « Enquête sur les créationnismes« , ed. Belin, page 84 ). Toute personne qui a lu « La Filiation de l’homme », publié par Darwin en 1871, sait pourtant que celui-ci a écrit exactement l’inverse de ce que prônait l’idéologie nazie. Je reviendrai plus loin sur le rejet du darwinisme.

Enfin, toujours dans le domaine de la biologie, il ne faut pas oublier les opposants à la vaccination avec la Ligue Nationale pour la Liberté des Vaccinations, et autres associations et partis politiques (dont EELV). Pour plus d’informations sur ces associations et sur l’importance sanitaire des vaccins, on peut se reporter à un article de Sciences et Pseudosciences.

Les faussaires de la science

Mais ces courants, à l’anti-science radicale, ne sont pas les seuls opposants aux connaissances scientifiques contemporaines. Alexandre Moatti, Ingénieur des Mines et chercheur associé à l’université Paris VII, vient de publier chez Odile Jacob un excellent livre, très documenté, intitulé : « Alterscience – postures, dogmes, idéologies ». Il y brosse un large panorama des mouvements qui manifestent « une opposition radicale et théorisée à la science contemporaine, notamment à ses théories (par exemple la relativité ou le darwinisme). Vitupération pouvant aller jusqu’à l’invocation de la théorie du complot » (p.17), mais qui se réclament quand même de la science (d’où l’appellation « alterscience »).

Ce qui peut surprendre et même inquiéter, c’est que ces positions ne sont pas le fait de citoyens peu instruits mais de gens scientifiquement cultivés, souvent ingénieurs de grandes écoles (Polytechnique et Centrale, notamment), ou même anciens chercheurs, qui détournent la science à des fins religieuses ou idéologiques. Avec même parfois des relents de xénophobie et d’antisémitisme, ce qui confirme, une fois de plus, qu’avec l’obscurantisme le pire n’est jamais bien loin.

Au fil des chapitres, ce livre décrit ces divers courants de pensée, qui couvrent un large éventail idéologique. Depuis ceux qui rejettent toute industrialisation et toute recherche scientifique, comme c’est le cas des courants dont nous avons parlé plus haut. A.Moatti leur consacre d’ailleurs un chapitre, il les qualifie d’« ultragauche » ou de « néoanarchistes » et reprend à leur propos le terme « anti-science » . Jusqu’à ceux, à l’autre bout de l’éventail, qu’il qualifie de « technofascistes ». Ces derniers gravitent autour de Lyndon LaRouche, l’animateur américain de ce mouvement, dont les représentants en France ont créé le groupe Solidarité et Progrès. A. Moatti résume leur vision comme « l’obsession d’une humanité omnipotente, au développement de laquelle aucun obstacle ne doit être mis. (…) Une croissance sans entrave est permise par la technologie et par les grands programmes d’investissement : toute forme d’immixtion de l’écologie dans la politique et bien évidemment toute idée de décroissance sont à proscrire » (p. 252). On se doute qu’avec une telle vision des choses, ces gens récusent aussi l’idée que le réchauffement planétaire soit dû aux activités humaines, ils l’imputent à un accès temporaire d’activité solaire.

La Terre au centre de l’univers… et Darwin au diable !

Dans ce livre de A. Moatti, un chapitre nous intéresse plus particulièrement dans le cadre de ce blog. Il s’intitule : « Le géocentrisme, noyau dur du créationnisme » et concerne des groupes qui continuent à soutenir que la Terre est au centre de l’univers (géocentrisme), en s’appuyant sur de pseudo-arguments scientifiques. Exemple d’argument cité par A. Moatti : « l’Univers est en expansion, toutes les galaxies s’éloignent de nous, donc c’est bien que nous sommes au centre de l’Univers. »( p. 114 ). Alors qu’il est bien évident que, dans un univers en expansion, un observateur situé sur n’importe quelle galaxie verrait toutes les autres s’éloigner. Cet exemple est parmi les plus simples, mais lorsqu’il s’agit de réfuter la physique quantique ou la théorie de la relativité, les arguments avancés peuvent être beaucoup plus élaborés. Depuis Copernic, Galilée, jusqu’à Darwin et Einstein, toutes les grandes découvertes sont ainsi remises en cause, par une réinterprétation de faits scientifiquement reconnus.

A. Moatti cite, pour la France, deux mouvements de cette obédience  dont une bonne proportion d’adhérents sont de formation scientifique : « Le Centre d’études scientifiques et historiques (CESHE) , cercle franco-belge créé à Tournai en 1971, et une scission de celui-ci, le Centre d’études et de prospective sur la science (CEP). Ce sont des cercles catholiques (…) à tendance traditionaliste, voire intégriste. » (p.118-119). Leurs visions du monde sont directement inspirées par la révélation biblique : géocentrisme, opposition à la théorie de la relativité et au darwinisme. Ces cercles publient des revues :  Sciences et Foi  pour le CESHE et Le Cep pour l’autre. Ils ont bien sûr des liens avec les créationnistes évangélistes des Etats-Unis.

Une constatation d’ Alexandre Moatti est assez surprenante et nous intéresse plus particulièrement ici : « tous les mouvements étudiés ici (dans son livre) se rejoignent, venant de points cardinalement opposés, pour s’opposer au darwinisme » (p.28). On pourrait quand même s’attendre à ce que le courant de LaRouche, qui se dit grand défenseur de la science, fasse exception à cette règle. Il n’en est rien, ces gens sont d’accord avec l’évolution mais pas avec la théorie darwinienne. Ainsi, sur le site de Solidarité et Progrès : on trouve un texte de l’épouse de LaRouche où elle écrit : « Contrairement à ce que prétendait Darwin, l’évolution ne suit pas la loi du plus fort, elle se fait depuis le haut. (…) l’espèce supérieure tire l’espèce inférieure vers le haut, pour ainsi dire. ». Ne me demandez pas ce que cela veut dire, je n’en sais fichtre rien….et je doute fort que l’auteure elle-même le sache.

Pourquoi tant de haine ?

Voilà une situation assez étonnante. Quelles peuvent donc être les motivations profondes de cet acharnement contre la théorie darwinienne et sa forme moderne, la théorie synthétique de l’évolution ? Pour les croyants fondamentalistes, la référence aux « Écritures Saintes » est bien sûr la cause essentielle de ce rejet. Ils peuvent, à la rigueur, accepter les découvertes de la physique fondamentale, mais pas l’évolution biologique. C’est le cas des Témoins de Jehovah, qui acceptent sans problème toutes les idées sur l’âge très ancien de l’univers, y compris le Big-Bang, mais refusent absolument toute évolution des êtres vivants. L’Homme a été créé par Dieu à son image, point barre ! Mais tous les anti-darwiniens ne sont pas des intégristes religieux, qu’en est-il pour les autres ?

Pour A. Moatti, l’échelle de temps de l’évolution, sans commune mesure avec la durée d’une vie humaine, est trop abstraite pour notre esprit et serait une cause essentielle de ce rejet. Effectivement, elle est difficile à appréhender mentalement car, tout au long de notre vie, les plantes et les animaux nous apparaissent stables, « les chiens ne font pas des chats » comme on dit, nous sommes donc intuitivement portés à une conception fixiste des espèces et donc des patrimoines génétiques. Ce n’est pas un hasard si, comme nous l’avons vu plus haut, beaucoup d’opposants aux biotechnologies sont foncièrement fixistes (consciemment ou non) et donc anti-darwiniens.

Pour ma part, pour avoir animé plusieurs conférences-débats sur le darwinisme, je suis persuadé comme beaucoup d’évolutionnistes et de philosophes des sciences, que le point de blocage majeur est le matérialisme de cette théorie et la part qu’elle donne aux événements fortuits. Les deux piliers de l’évolution, variation génétique et sélection naturelle, sont deux forces très matérielles et aveugles, aux conséquences imprédictibles. Or, pour un non-spécialiste, il est tout à fait contre-intuitif que des variations spontanées et accidentelles (mutations, recombinaisons, transgenèses), donc aléatoires, soient à la base de changements évolutifs qui ont donné naissance à des êtres vivants très complexes. Même si on explique que ces variations ne sont que du matériau et que le véritable « moteur » de l’évolution est la sélection naturelle opérée par l’environnement, cela passe mal.

Il n’est fait appel, dans le darwinisme, à aucune force transcendante, aucun « principe vital », aucune direction préconçue par une force supra-naturelle. Nous ne sommes pas l’aboutissement d’un progrès inéluctable dans l’évolution, mais le fruit du hasard et de la nécessité. Si l’évolution recommençait, rien ne permet de penser qu’Homo sapiens, ou une espèce proche, apparaîtrait de nouveau. Étant donné le fort anthropomorphisme et le fond religieux très important, assumé ou non, de nos cultures, cette conception est mal vécue par la plupart des gens. Consciemment ou non, ils ne pardonnent pas à Darwin d’avoir désenchanté le monde, c’est à dire de lui avoir enlevé la part de sacré qui nous assurait que l’univers a un sens, et le sens est toujours (et ne peut être que) religieux. Pour des développements sur les difficultés à accepter la théorie moderne de l’évolution, on peut lire : « La résistance au darwinisme : croyances et raisonnements«  de Gérald Bronner.

On ressent bien cette soif de transcendance dans la mythologie des mouvements écologistes. Ils éprouvent le besoin de combler ce vide par une véritable sacralisation de la « Nature ». La « Mère Nature », puissance mystérieuse qui ne pourrait être que bienfaisante, qui « corrige avec le temps les défauts et anomalies incompatibles avec le cycle naturel de la vie« . Ce sont là croyances de gens qui n’ont vraiment aucune idée des mécanismes à l’œuvre dans la « bienfaisante nature »!! Dans l’article sur les prétendus « OGM cachés », je faisais déjà remarquer combien cette vision idéalisée du monde vivant est proche de la théologie naturelle du XVIIIe siècle, dont le grand promoteur était William Paley.

Lamarck à la rescousse

Ces réticences au matérialisme darwinien expliquent aussi pourquoi le lamarckisme a été beaucoup mieux accepté que le darwinisme dans beaucoup de pays. Notamment en France bien sûr, pays de Lamarck, mais même aux USA, où une école néo-lamarckienne s’était créée à la fin du XIXe siècle. En fait, Lamarck élimine le rôle du hasard de deux façons :

1) en disant que les espèces se modifient par influence relativement directe de l’environnement,

2) en invoquant une tendance immanente des organismes vivants à évoluer vers plus de complexité, donc vers plus de perfectionnement. Tendance qui provient « des moyens que la nature a reçu de l’Auteur suprême de toutes choses » . Malgré la démarche très matérialiste dont se réclamait Lamarck, qui ne voulait faire appel qu’à des mécanismes purement physiques dans ces « moyens de la nature » (il rejetait lui aussi le « principe vital »), la volonté divine n ‘était pas bien loin.

A propos des fondateurs de l’école néo-lamarckienne aux USA, le célèbre paléontologue Stephen Jay Gould a écrit dans « La foire aux dinosaures » un passage très explicite : « …un puissant groupe d’évolutionnistes anti-darwiniens, soutenant que l’on pouvait observer ordre, dessein et progrès dans la nature, grâce à l’hérédité des caractères acquis par l’effort des organismes. La vision globale était celle d’une harmonie de la nature, se démarquant de toutes les idées darwiniennes de hasard, de contingence, d’imprédictibilité. Le rôle de la puissance divine était préservé. ».

Dans notre pays, pour les mêmes raisons, le darwinisme n’a pu commencer à s’implanter réellement qu’après la seconde guerre mondiale et le lamarckisme a perduré longtemps encore chez de nombreux biologistes, jusque dans les années 1970-80 (j’ai bien connu certains d’entre eux). Il a toujours des partisans, plus ou moins avoués, qui ne peuvent se résoudre à accepter le matérialisme de la théorie darwinienne et se laissent prendre à l’attrait un peu mystique de cette tendance à l’auto-complexification. Ce faisant, ils se retrouvent assez proches de certains courants créationnistes. On peut lire sur internet, une brochure de Bertrand Louart, (personnage que nous avons déjà cité plus haut) Aux origines idéologiques du darwinisme, assez représentative de ce courant.

En guise de conclusion générale à cet article, je reprendrai une idée déjà avancée par d’autres, reprise notamment par Stephen J. Gould dans L’éventail du vivant. Il ne faut pas s’étonner que les humains aient un rapport très ambivalent à la connaissance scientifique. Elle leur a apporté des bienfaits, quand même largement appréciés, mais elle est aussi responsable des « trois grandes blessures narcissiques » ou « les trois humiliations » énoncées par Freud. Résumons-les :

L’homme croyait être au centre de l’univers et, après Copernic et Galilée, il se retrouve sur une minuscule planète perdue dans un recoin de l’immense cosmos. Il se croyait créé à l’image de Dieu et, après Darwin, se retrouve à l’état de singe nu. Il se voulait guidé par la raison et se retrouve manipulé par des motivations inconscientes, qui remettent en cause l’existence même de son libre arbitre, comme le lui dit la psychanalyse (et très récemment, semble-t-il, les neurosciences également). Cette emprise de l’inconscient est, elle aussi, difficile à assumer. Il ne faut donc pas s’étonner que la psychanalyse se trouve confrontée, depuis ses débuts, au même rejet virulent que le darwinisme. Avec des arguments souvent identiques d’ailleurs. Mais ceci est une autre histoire.

20 réflexions au sujet de « Les multiples chemins de l’anti-science »

  1. Tout comme A. Moatti, vous ne comprenez rien des motivations de ceux qui critiquent la science « au nom de la raison » (Riesel, Oblomoff, Louart, PMO).
    Concernant la critique de la biologie moderne:
    « A l’appui de cette affirmation est cité un livre d’un soi-disant historien des sciences, viscéralement hostile à Darwin (comme à la génétique d’ailleurs), dont on peut se demander s’il a réellement lu ses ouvrages. »
    Le rejet des OGM et du darwinisme est le refus de voir les êtres vivants, et l’être humain avec eux, considéré comme des machines. Hors mis cette analogie érigée en modèle, la biologie moderne ne sait pas ce qu’est un être vivant. Et le considérer comme une machine entre en résonnace avec la société capitaliste et industrielle…
    Au lieu de l’invective et de la fastidieuse répétition de la vulgate, vous feriez mieux de lire André Pichot (puisque c’est lui que vous ne citez pas) et nous faire une critique argumentée de ses analyses.
    Mais vous ne le ferez pas: votre scientisme est une religion de substitution qui vous permet de continuer à ne pas savoir dans quel monde vous vivez et a ne pas comprendre le rôle, absolument réactionnaire aujourd’hui, qu’y joue la science.
    B.L.

    • Par principe, je ne tiens pas compte des commentaires rédigés en des termes peu civilisés, mais je veux saisir ici l’occasion d’apporter des compléments à cet article.
      Un premier point concerne l’affirmation que la biologie moderne considère les systèmes vivants comme des « machines ». L’utilisation de ce terme est déjà très tendancieuse. Il ne semble être là que pour donner une vision caricaturale des conceptions des biologistes et mieux les dénigrer.
      Ce que disent les scientifiques, c’est que les êtres vivants obéissent aux lois universelles de la physique et de la chimie. Cela signifie que, pour un chercheur en biologie, il n’existe pas de « principe vital » irréductible à la matière, comme l’ont cru les philosophes et naturalistes jusqu’à Lamarck, au début du XIXe siècle. Et de toutes façons, si un tel principe existait, il ne pourrait être objet de science. La démarche scientifique, par définition, n’a pas accès aux entités immatérielles. Ni l’âme, ni les « esprits », ni Dieu, s’ils existent, ne peuvent être objets de science.
      Alors bien sûr quand on lit que les êtres vivants ne sont pas des « machines » et que « la biologie moderne ne sait pas ce qu’est un être vivant » on se dit : tiens, tiens ! Voilà le vitalisme qui repointe son nez, une fois de plus.
      Pourtant, si l’on prend au pied de la lettre certains écrits de ce courant antiscience, comme dans « L’Autonomie du vivant » de Bertrand Louart, on y trouve le refus du principe vital, l’affirmation que « la vie est un phénomène physico-chimique complexe » et, du coup, on ne comprend plus très bien où l’auteur veut en venir.
      Dans le même texte on trouve, à coté d’affirmations correctes mais très banales, des idées très floues.
      On lit par exemple:
      « La continuité entre les générations n’est pas le fruit de la seule duplication de l’ADN, c’est d’abord et avant tout la continuité du processus physico-chimique que constitue le métabolisme, puisque tout être vivant est issu d’un être vivant, toute cellule résulte de la division d’une cellule ». Quelle originalité! Quel biologiste ne serait pas d’accord avec de telles évidences ?
      Mais on lit aussi :
      « A travers la critique de la biologie moderne, ce sont les bases élémentaires de l’auto-organisation de la matière qu’il s’agit de comprendre, c’est le sujet à l’état natif, dans sa forme et ses manifestations les plus simples qui peuvent être élucidées.
      …Pour cela, la notion d’autonomie me paraît être l’idée à partir de laquelle la véritable logique du vivant peut se comprendre. »
      Ou encore, plus loin :
      « …Le vivant est l’acteur de son développement et le créateur de son évolution. » ( ?? ).

      Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Ce n’est que du verbiage et ça n’explique rien. N’y aurait-il pas là comme un relent de principe vital et de « dessein intelligent » ? Dire que le vivant est « créateur de son évolution» est assez révélateur.
      Plus loin dans ce texte, on trouve à l’appui de cette « autonomie du vivant » des banalités sur les interactions entre les organismes et leur milieu environnant, mais ré-habillées à la façon de l’auteur. Là encore on est bien loin d’un raisonnement scientifique.

      Les choses s’éclairent avec la dernière partie du texte intitulée « Les enjeux politiques de la biologie » (10 pages sur 40 quand même ! ). Le titre même ne laisse aucun doute : on est en présence d’une démarche sociobiologique. C’est à dire une volonté de donner aux connaissances scientifiques un habillage purement verbal qui permet de les présenter en modèle de société. Une fois de plus on est dans la confusion catastrophique entre science et idéologie, bien que l’auteur s’en défende, évidemment !
      L’autonomie du vivant et l’auto-organisation de la matière sont mises en parallèle avec l’autonomie des individus et l’auto-organisation des sociétés humaines que l’auteur appelle de ses vœux. Comme dans les dérives du darwinisme, l’eugénisme et le « darwinisme social », on veut justifier une idéologie en l’adossant à des bases scientifiques.

      Le second point que je voudrais aborder très rapidement concerne justement l’antidarwinisme. On peut lire aussi dans la même brochure :
      « Pour le darwinisme, placés dans cette situation de contrainte maximum, soumis à l’implacable nécessité de la lutte pour la vie, les êtres vivants doivent donc se comporter et finir par se transformer en machines de guerre. »
      Il faut vraiment n’avoir jamais lu Darwin pour écrire de pareilles énormités.
      On trouve des affirmations tout aussi fantaisistes dans les ouvrages et les conférences d’André Pichot. Entre autres anomalies ( euphémisme! ), on y trouve sous l’appellation de « darwinisme », un amalgame permanent entre les idées de Darwin et les écrits et agissements de ceux qui les ont dévoyées à des fins idéologiques et politiques. C’est un peu comme si on rendait Karl Marx responsable des goulags soviétiques, ou les évangiles responsables de l’inquisition ( j’écris pour tous les goûts! ).
      Mais je n’insisterai pas sur les errements des anti-Darwin, je pourrais me laisser entraîner à écrire des choses vraiment désagréables. Le lecteur qui veut en savoir plus sur le sujet, sans avoir à se plonger dans des livres, pourra se reporter à l’article de ce blog sur l’héritage de Darwin et ses dévoiements.

  2. Je viens de découvrir l’existence ce courant anti-darwinien et j’avoue que j’en suis assez interloqué. La lecture du texte de Bertrand Louart que vous indiquez en lien est effrayante et pénible tant il est repose sur une approche viscéralement anti-scientifique: prétendre discuter de la validité du darwinisme en n’évoquer pratiquement pas un seul élément concret allant à son encontre est pire encore que ce que font les créationnistes(qui présentent des données fallacieuses ou mal interprétées mais qui n’argumentent pas dans le vide).
    Mais j’avoue que ce qui me fait réagir à votre article est … sa conclusion et le rapprochement entre la psychanalyse et Darwin. Les deux affirmations que vous faites sont très contestables:
    1) L’inconscient n’est ni une découverte ni une spécificité de la psychanalyse. Un seul exemple: http://books.google.fr/books/about/Philosophie_de_l_inconscient.html?id=mb-s1GZcDQoC
    La référence majeure déconstruisant la légende entourant Freud est l’ouvrage : http://books.google.fr/books?id=GFHMjux7FMMC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false
    Quant aux neurosciences, il me semble qu’elles considèrent depuis belle lurette que la majorité des processus mentaux sont inconscients.
    2) Pour m’être intéressé à la critique du freudisme, je peux dire que j’ai très rarement lu de texte expliquant qu’il s’agit d’une idéologie alors qu’au contraire les freudiens, en particuliers lacaniens, accusent leurs détracteurs d’être animés d’une idéologie « scientiste » ou « libérale ». Ce sont leurs arguments qui me font penser à ceux de Louart ainsi que la référence à la notion de « sujet ».
    Enfin, last but not least, alors que la critique du darwinisme est souvent extérieure au monde de la biologie, celle de la psychanalyse, elle, provient largement de psychologues, de spécialistes en neurosciences ou de psychiatres, et en tout cas de défenseurs de la démarche scientifique. ( comme exemple, on pourra regarder le dossier de l’AFIS: http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?rubrique56 )

    • Je ne répondrai que brièvement à votre commentaire. Une réponse plus précise et plus argumentée m’entraînerait sur un terrain où je ne veux pas aller dans ce blog.
      Si j’ai terminé cet article, où il est beaucoup question de Darwin, par cette remarque de Stephen G. Gould sur les rapports très ambivalents des hommes à la science, c’est que je suis convaincu qu’elle vise juste.
      Pour ma part, je suis depuis longtemps frappé par la similitude des attaques contre le darwinisme et contre la psychanalyse. Je résume :
      -Ces deux spécialités ne relèveraient pas de la démarche scientifique et ne seraient que des idéologies. Si vous en doutez pour la psychanalyse, reportez-vous, entre autres, aux Cahiers Rationalistes.

      -L’expérimentation serait impossible, ce qui est faux dans les deux cas .

      -Enfin, il est flagrant que sur ces deux sujets les arguments avancés sont le fait de gens qui n’ont manifestement rien compris à ce dont ils parlent. Dans le cas du darwinisme, de nombreuses enquêtes montrent qu’une majorité de gens ( y compris parmi ceux qui lui sont favorables) n’ont pas compris le rôle de la sélection naturelle et confondent avec le lamarckisme. Cela est vrai même parmi les chercheurs et les étudiants en biologie, je l’ai d’ailleurs abondamment constaté dans ma vie professionnelle. Dans le cas de la psychanalyse, les critiques relèvent souvent d’idées reçues qui montrent une incompréhension totale de ce qu’elle est ( par exemple: l’idée que le psychanalyste impose à l’analysant de faux souvenirs, que l’effet thérapeutique est nul, qu’un psychanalyste peut « démonter » une personne et ne pas savoir la « remonter »- je n’invente rien !- ). Si, pour certains, ces critiques relèvent de « sincères » incompréhensions ou d’informations douteuses, pour d’autres, il est manifeste qu’il s’agit d’un refus de comprendre, d’un véritable rejet d’ordre passionnel. L’explication de ce rejet doit donc se chercher ailleurs que dans le champ du rationnel. On en revient donc à la conclusion de mon article.

      Je ne suis pas d’accord sur votre différence « last but not least ». Certaines des critiques les plus virulentes contre Darwin viennent de milieux scientifiques. Exemple : André Pichot, historien des sciences au CNRS qui n’a rien compris à la sélection naturelle et manifeste un anti-darwinisme viscéral ( si vous voulez vous distraire un moment, je vous conseille d’écouter cette vidéo, ce qu’il dit sur la sélection naturelle est proprement désopilant.
      On peut aussi signaler Anne Dambricourt, anthropologue au CNRS, ou encore Louis Bounoure, Didier Raoult, Rosine Chandebois, pour ne parler que de scientifiques français auteurs de livres. Du coté des USA, la liste serait beaucoup plus longue.
      Le fait d’être scientifique (ou de se présenter comme tel) n’empêche nullement d’être le jouet des débordements de son inconscient !

      A propos de celui-ci et des neurosciences, il faut bien préciser de quoi on parle. Que les neurosciences aient mis en évidence des processus inconscients, c’est effectivement vrai depuis longtemps. Certains neurologues estiment que 90 % de nos opérations mentales seraient inconscientes, mais il s’agit là de mécanismes qui accompagnent notre fonctionnement psychique conscient. C’est manifeste dans l’apprentissage, les automatismes, les réactions à des situations d’urgence. Ce que des chercheurs (américains, je crois), ont mis récemment en évidence est tout à fait différent et rejoint ce que l’on sait de l’inconscient psychanalytique. Il s’agit d’opérations totalement inconscientes qui déterminent des affects et des comportements. Je ne puis malheureusement donner de références scientifiques, c’est pour cela que j’ai écrit prudemment dans la conclusion de mon article : « semble-t-il ». Ces informations me viennent essentiellement d’un débat entre quelques psychanalystes et chercheurs en neurosciences, auquel j’ai assisté il y a un an . Une conclusion de ce débat, qui semblait faire consensus, était que les recherches en neurosciences en arrivaient, elles aussi, comme la psychanalyse, à remettre en question notre libre arbitre, y compris lors de choix décisifs pour notre vie affective.

      • ancien adepte de la psychanalyse,j’ai lu freud,jung,dolto,bettheleim pendant des décennies.
        Puis j’ai douté après la preuve que l’autisme était pout une tres large part d’origine génétique,alors commence pour moi une lecture toute aussi assidue des critiques scientifiques de la psychanalyse.
        Rien ,je dis bien rien ne reste de ma croyance en la psychanalyse,j’utilise le terme croyance car s’en fut une
        quand je lis ça :
        « . Dans le cas de la psychanalyse, les critiques relèvent souvent d’idées reçues qui montrent une incompréhension totale de ce qu’elle est ( par exemple: l’idée que le psychanalyste impose à l’analysant de faux souvenirs, que l’effet thérapeutique est nul »
        je me demande si les travaux déjà anciens des chercheurs en neuro sont biens assimilés,ou simplement lus pas les défenseurs de la psychanalyse?
        sans compter la mauvaise foi ,car les critiques de freud ne disent pas  » on impose » non ils disent suggestion et il est prouvé qu’on peut manipuler la mémoire et même implanter de faux souvenirs.
        Quant à l’effet nul c ‘est aussi de la mauvaise foi,car il est juste dit que l’effet est très faible et encore faut savoir si on parle de guérir ou de se sentir un peu mieux*
        Et ce sont bien les psychanalystes qui ont demandé et obtenu la censure sur un site officielle de l’inserm d’un rapport d’évaluation des différentes psycho therapies qui classait la psychanalyse bonne derniére .
        tellement fort et bien dans leur peau apres une cure qu’ils ne peuvent que censurer !
        Alors mettre Darwin dont l’apport est toujours valable et scientifique avec une légende ,une mithologie ,une théorie non scientifique c ‘est assez incroyablle.

        • Ce commentaire est une bonne illustration de ce que j’ai écrit à la fin de l’article. Si une majorité de gens, au moins en Europe, a accepté que la Terre ne soit plus le centre de l’univers, il n’en est pas de même pour les connaissances psychanalytiques ni pour la théorie moderne de l’évolution. Elles se heurtent et se heurteront toujours à de fortes résistances. Comme je l’ai écrit, ce sont les mêmes arguments qui sont avancées contre ces deux sciences. Elles ne seraient que des idéologies et leur démarche serait non-scientifique car non fondée sur l’expérimentation. Marx lui-même avait écrit que la théorie darwinienne n’était que la transposition à la nature de l’idéologie de la société anglaise victorienne. Il faut remarquer d’ailleurs que sur leur objet comme sur leur démarche, les similitudes ne manquent pas. Je me limiterai à la théorie de l’évolution car elle relève de ma spécialité professionnelle et entre donc dans le cadre que je me suis fixé pour ce blog. Certains scientifiques et philosophes réfutent l’une ou l’autre, d’autres réfutent les deux à la fois. C’était le cas de Karl Popper, qui avait une vision très rigide, très monolithique, de ce que devait être une démarche scientifique. Pour lui, le même schéma de recherche devait s’appliquer à tous les champs de la connaissance, ce qui est absurde vu les différences considérables dans les objets des sciences. C’est ainsi que son principe de « réfutabilité » rejetait en fait hors du champ scientifique toutes les sciences humaines : sociologie, ethnologie, psychologie et bien sûr la psychanalyse. Mais aussi la théorie de l’évolution, qu’il avait qualifiée de « programme de recherche métaphysique », et si l’on applique un principe aussi rigide, c’est logique. Darwin, dans aucun de ses ouvrages, n’a décrit un seul cas concret de sélection naturelle, en tous cas,il n’en a donné aucune preuve expérimentale. Depuis, beaucoup de biologistes continuent à y travailler, mais il est très difficile de mettre en évidence un phénomène de sélection naturelle aboutissant à une spéciation. C’est un processus qui s’inscrit dans le temps long et qui est difficile à appréhender directement. On peut donc comprendre que cette théorie ait été longtemps combattue et fait encore l’objet de débats, parfois vifs et même passionnels. C’est un autre point commun avec la psychanalyse, comme en témoignent d’ailleurs plusieurs commentaires sur mon article. Lorsque les travaux de Mendel furent redécouverts au tout début du XXe siècle, puis les mutations, les généticiens eux-mêmes ont été tentés d’abandonner la théorie darwinienne pour une « théorie mutationniste » de l’évolution. Dans son ouvrage Darwin et l’après-Darwin,  Jean Gayon explique très bien toutes les péripéties houleuses de l’histoire du darwinisme, qui n’a pas été un long fleuve tranquille, tant s’en faut ! Actuellement, si le fait évolutif lui-même est de mieux en mieux accepté (par les scientifiques tout au moins), il y a toujours des biologistes qui saisissent toute occasion, à tort et à travers, pour remettre le processus darwinien en question. C’est ainsi que, périodiquement, on peut lire des textes claironnant la fin du darwinisme (comme d’autres claironnent la fin de la psychanalyse). Là dessus on trouvera plus de détails dans l’article sur Lamarck et Darwin dans l’Encyclopédie de l’environnement, le lien est dans le texte le plus récent de ce blog.

  3. Je précise que le mouvement de Larouche et de Cheminade rejettent le darwinisme car celui-ci est lié à la promotion des idées eugénistes, promues par Malthus et Ortes. L

    • @ Karim
      Si c’est là la vraie raison de leur rejet du darwinisme, ce dont je doute, alors il faut leur conseiller tout simplement de LIRE Darwin au lieu de s’en tenir à tous les lieux communs qui trainent dans la littérature et qui ont été écrits par des gens qui n’ont jamais lu « La Filiation de l’Homme » (en anglais : The Descent of Man), le second grand livre de Darwin. Ils verraient ainsi qu’il était complètement opposé aux idées eugénistes, comme il était opposé aux idées du « darwinisme social » bien mal nommé, promues par Spencer que Darwin n’appréciait pas du tout.
      On trouvera des précisions là-dessus, ainsi que quelques citations dans l’article de ce blog sur l’héritage de Darwin.

  4. Je vous invite à lire la grande psychanalyste Janine Chasseguet Smirgel et son livre: « Le corps comme miroir du monde ». Refuser les OGM consiste aussi sur un plan psychologique à trier le bon grain (d’origine naturelle et pas trafiquée, pervertie, artificielle) et l’ivraie. Le rejet inconscient par la science de ce qui est naturel constitue aussi une perversion et une forme de haine inconsciente et patriarcale de la mère. Se passer de la femme et de la matrice pour concevoir un enfant est bien pervers et n’a plus rien à voir avec la science.

  5. Bonjour,

    Je viens d’atterrir sur votre blog après de nombreux sauts de blog en blog. Je ne suis pas un scientifique, juste un quidam qui cherche à savoir. Je cherche en l’occurrence à savoir quelle définition du vivant (que ce soit une par extension ou par intension) la science utilise. En lisant votre blog, je suis navré de voir que la définition du vivant entraîne de tel stress, science/anti-science. Quel dommage….

    Je pense pour ma part que la vie doit être définie autant que ce peut pour comprendre notre contexte de manière scientifique. J’aime bien la définition que j’ai écoutée sur France culture (le vivant est ce qui est sensible à la sélection darwinienne). J’aimerai personnellement y ajouter qu’elle est aussi ce qui est douée de sélection darwinienne (sans vitalisme aucun).

    Que pensez-vous de tout cela? Est-ce scientifique de définir le vivant ainsi…

    • La définition du vivant a toujours été un sujet de débat chez les biologistes. Ils ont au moins deux caractéristiques essentielles qui les distingue du non-vivant : les échanges métaboliques avec le milieu extérieur et la capacité à se reproduire. On peut toujours utiliser ces deux points pour proposer une définition, mais elle sera, de toutes façons, arbitraire. La vie est apparue à partir de la matière inerte par un processus lent et continu. A partir de quel moment peut-on dire que du vivant est apparu ? A partir du moment où un complexe moléculaire a des échanges avec le milieu (première étape indispensable) ou à partir du moment où ce complexe devient capable d’une reproduction plus ou moins conforme ? J’aurais personnellement tendance à privilégier le critère de la reproduction mais le choix ne peut être que conventionnel. La définition basée sur la sensibilité à la sélection darwinienne est astucieuse, remarquons d’ailleurs qu’elle nécessite la reproduction, donc les deux conditions dont je viens de parler.
      Par contre votre proposition « douée de sélection darwinienne » ne me semble pas correcte. Cette sélection n’est pas une propriété interne aux systèmes vivants, c’est une action extérieure à eux. Ceux qui se reproduisent le plus efficacement sont favorisés, ipso facto, pour envahir le milieu environnant et pour se perpétuer.

      • Juste une question de vocabulaire : « pour envahir et « pour se perpétuer » suppose que les êtres vivants pourraient imposer leurs volontés au monde, alors que le Darwinisme indique que c’est ….le contraire !

        Jean

        • Non , les êtres vivants ne peuvent pas imposer leur volonté au monde ,ils peuvent proliférer quand les ressources alimentaires sont suffisantes et leur nombre peut décroître lorsque ces mêmes ressources viennent à diminuer ou à disparaitre par un changement climatique (glaciation) ou par l’effet d’un cataclysme (disparition des dinosaures) ou par l’effet néfaste de l’homme (bisons d’Amérique par exemple ) .

      • Ce commentaire sur la définition du vivant (même si je parlerais plutôt ici de caractérisation que de définition proprement dite) est particulièrement intéressant. En toute humilité, il me semble qu’il soulève toutefois deux questions sous-jacentes.

        1/ Une autre propriété tout aussi fondamentale du vivant n’est-elle pas, précisément, de s’ajuster à son environnement (ou plutôt son milieu) selon des voies évolutives ? Ce serait dommage de l’omettre, me semble-t-il, s’agissant du thème ici traité. Ou bien cette omission est-elle, en réalité, délibérée ?

        2/ L’expression « la vie est apparue à partir de la matière inerte » me semble légèrement ambivalente dans la mesure où j’y vois deux acceptions possibles, selon que la vie (i) découlerait d’une transformation « autogène » de la matière, ou bien (ii) qu’elle s’y serait insinuée, comme dans un support, en « l’animant » à son « profit » (pardon pour ces guillemets, mais je sais que les termes auxquels ils s’appliquent sont insatisfaisants) ? Que faut-il donc ici plutôt comprendre ?

        Merci pour cette mise en perspective relative à l’évolution du vivant.

        • Dans mon commentaire en réponse à « Michel », je parle bien de « caractéristiques » du vivant en ajoutant que toute définition est arbitraire, c’est pour cela que les biologistes ne sont toujours pas d’accord et je n’ai pas la prétention d’en proposer une.
          Votre première question revient à définir le vivant comme ce qui est sensible à la sélection naturelle ou, en tous cas, à faire entrer cette propriété dans la définition. Je n’ai absolument rien contre mais il me semble qu’à partir du moment où il y a échanges avec le milieu et où il y a reproduction, la sensibilité à la sélection naturelle en découle automatiquement car ceux qui se reproduisent le plus efficacement seront ipso facto avantagés, c’est une tautologie.
          Mais à la relecture de votre question, j’y vois une ambiguïté. En effet, vous ne parlez pas du tout de sélection naturelle, vous parlez d’une propriété du vivant qui est de « s’ajuster à son environnement » et je ressens là, pour ma part, comme une vision lamarckienne. Les êtres vivants se transformeraient grâce à leurs efforts pour « coller » au milieu environnant en se complexifiant. Pour préciser cette idée, je vous renvoie à mon article dans l’Encyclopédie de l’environnement : http://www.encyclopedie-environnement.org/vivant/lamarck-darwin-deux-visions-divergentes-monde-vivant/.

          La réponse à votre seconde question me paraît plus simple : La vie est une émergence de la matière, pour employer le terme le plus couramment utilisé dans ce cas-là. Rien ne viendrait se surajouter. C’est, je pense ce que vous entendez par « autogène ». L’alternative dont vous parlez me semble relever de la pensée vitaliste. Un principe vital mystérieux viendrait se surajouter à la matière pour créer de la vie. La démarche scientifique (que vous connaissez puisque vous êtes au CIRAD) ayant une obligation de matérialisme méthodologique, ne peut pas se sentir concernée par cette conception quasi-religieuse. On pourrait à cette alternative faire la réponse de Laplace à Napoléon à propos de Dieu : « Je n’avais pas besoin de cette hypothèse ». J’espère avoir répondu à vos questions.

          • Je vous remercie très sincèrement de votre réponse.

            Il me semble que pour le premier point, relatif à la caractérisation du vivant, la capacité à s’ajuster au vivant, puisque elle s’avère tautologique, peut donc être entendue, si je vous lis bien, comme une reformulation équivalente de la double capacité d’échange avec le milieu et de reproduction. Les deux formulations équivalent.

            Pour autant, je vous assure il n’y a pas de vue lamarckienne dans cette réflexion de ma part. La connaissance que j’ai du monde végétal me montre en effet que le vivant se révèle apte à transformer son milieu, bien davantage qu’il n’est déterminé par ce dernier. Cette constatation va donc plutôt, me semble-t-il, à l’encontre du lamarckisme.

            Pour le second point de l’émergence de la vie, je n’ai bien entendu aucune réponse, ni même de conviction. J’observe que Darwin, que vous citez ainsi dans votre article dans l’Encyclopédie de l’Environnement, évoquait lui-même une  » forme primordiale dans laquelle la vie a été insufflée à l’origine ». Je ne sais et ne puis savoir ce qu’il entendait par le terme « insufflée », s’agissant d’un terme que d’aucuns pourraient estimer comme dénué de toute ambivalence.

            Je ne suis pas non plus vitaliste, s’agissant d’une posture qui reviendrait, me semble-t-il, à donner le change pour l’inconnu, le mystère… Pour autant, si j’adhère à votre propos, je mesure aussi et je tiens compte de la difficulté, en recherche scientifique, à s’assurer d’un matérialisme méthodologique sans faille (cf. non indépendance ontologique entre science et métaphysique, intervention du scientifique comme sujet analysant un objet, caractère immatériel de la connaissance, etc.). Ce matérialisme méthodologique me semble tenir, en l’occurrence, du monde idéel, davantage que des réalités matérielles.

            Evoquer la dimension sensible du vivant, enfin, comme je l’ai peut-être effectivement laissé apparaître en creux dans mon précédent commentaire, ne me paraît pas renvoyer intrinsèquement au spirituel, ou au religieux, ou au magique, etc. Je pense que c’est une dimension du vivant qu’un excès de zèle cartésien nous invite à envisager comme un obstacle à la connaissance scientifique, mais c’est, du même coup, évacuer un pan entier du fonctionnement même du vivant. Si l’écologie tarde à s’en saisir, d’autres disciplines scientifiques, telle l’éthologie, en ont désormais tiré profit. La biologie végétale, certes avec beaucoup de déviances possibles plutôt florissantes aujourd’hui, en fait autant. Qui sait ? Peut-être la biologie évolutive s’en saisira-t-elle un jour à son tour.

            Merci encore pour cet échange respectueux de regards.

  6. Ping : Theory of evolution: misunderstandings and resistance - Encyclopédie de l'environnement

  7. Ping : Théorie de l’évolution : incompréhensions et résistances – Laboratoire de recherche sur le darwinisme et les théories de l'évolution

  8. Ping : 进化论:误解与抵抗 - 环境百科全书

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